L’Etat a annoncé enquêter sur la praticienne, Caitlin Bernard, accusée de ne pas avoir signalé aux autorités le dossier de la fillette. Selon des articles de CNN et du « New York Times », des documents attestent que la procédure a bien été appliquée par la gynécologue.

Manifestation pour le droit à l’avortement à Indianapolis, dans l’Etat d’Indiana, le 25 juillet 2022.

Faut-il interdire l’avortement purement et simplement ou doit-il y avoir des exceptions en cas de viol, d’inceste ou encore de danger pour la santé de la femme ? C’est la question que le Sénat de l’Indiana s’est empressé de se poser après qu’une enfant de 10 ans, victime de viol dans l’Ohio, s’est rendue dans l’Etat pour se faire avorter, en raison de nouvelles restrictions dans son Etat d’origine.

L’affaire a provoqué une tempête aux Etats-Unis, le président, Joe Biden, la citant en exemple pour critiquer la décision de la haute juridiction, le 24 juin, de ne plus garantir le droit à l’avortement. Localement, dans cet Etat du nord du pays, elle se prolonge en une bataille politique, judiciaire et législative et illustre les divisions autour de la volte-face de la Cour suprême.

L’attention s’est en partie focalisée sur la gynécologue Caitlin Bernard, qui a pratiqué l’IVG. Elle a rapporté au début de juillet à plusieurs médias avoir reçu la petite fille à Indianapolis après avoir été contactée par un confrère d’Ohio. Dans cet Etat du Midwest, voisin de l’Indiana, la décision de la Cour suprême a immédiatement permis l’entrée en vigueur d’une loi interdisant d’avorter après six semaines de grossesse, y compris en cas de viol ou d’inceste.

Or la fillette, violée en mai par un homme qui a été arrêté, avait dépassé ce terme de quatre jours. Elle s’est donc rendue dans l’Indiana, où les interruptions volontaires de grossesse (IVG) restent – pour l’instant – légales jusqu’à 20 semaines de grossesse.

L’intervention de Caitlin Bernard a suscité la colère du procureur général de l’Etat, Todd Rokita. « Nous avons cette militante proavortement, qui se prétend docteure, et est connue pour ne pas effectuer les signalements requis », a-t-il déclaré sur la chaîne Fox News le 13 juillet. « Donc, nous rassemblons les informations, les preuves, et nous allons nous battre jusqu’au bout », a-t-il poursuivi en menaçant de révoquer sa licence professionnelle. La praticienne, qui se dit par ailleurs harcelée, a accusé le procureur de diffamation.

                                                                                                   

Les autorités de l’Indiana ont annoncé enquêter sur Caitlin Bernard, accusée de ne pas avoir signalé aux autorités le dossier de la fillette, comme la loi locale l’y oblige en matière de pédocriminalité. Selon des articles du New York Times et de CNN, datant respectivement des 28 et 29 juillet, des documents attestent pourtant que la procédure a bien été appliquée par la praticienne.

L’IVG en voie d’interdiction dans l’Indiana

Les opposants à l’avortement reprochent par ailleurs aux défenseurs de ce droit d’« utiliser » la fillette pour promouvoir leur cause. Ils imputent ses malheurs à la politique migratoire de Joe Biden, l’agresseur étant un Guatémaltèque apparemment entré illégalement aux Etats-Unis il y a plusieurs années, selon un policier qui s’est exprimé lors d’une audience au tribunal, jeudi. « Cette situation horrible a été causée par des marxistes, des socialistes et ceux à la Maison Blanche qui plaident pour une frontière sans loi », a lancé le procureur général d’Indiana interrogé par Fox News.

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Comme ceux de l’Ohio, les responsables de l’Etat d’Indiana, à majorité républicaine, sont aussi hostiles au droit à l’avortement et envisagent d’interdire à leur tour la procédure, actuellement débattue au Sénat. Mais après de longues interrogations au sein des Républicains, jeudi soir, dix-huit d’entre eux se sont joints à dix démocrates pour voter en faveur du maintien des exceptions pour viol et inceste dans la proposition de loi visant à interdire l’avortement dans l’Etat. Une partie des législateurs républicains ainsi que des militants antiavortement ont vivement critiqué ce choix, le jugeant trop indulgent.

Des manifestants antiavortement manifestent devant la chambre du Sénat de l’Indiana, jeudi 28 juillet 2022, à Indianapolis. Ils attendaient le début du débat sur un projet de loi d’interdiction de l’avortement parrainé par les Républicains.

Ils attendaient le début du débat sur un projet de loi d’interdiction de l’avortement parrainé par les Républicains.

Les votes des dix-huit autres républicains qui veulent supprimer ces exceptions seront nécessaires pour que le projet de loi passe du Sénat à la Chambre dirigée par les Républicains. Le vote du Sénat pourrait avoir lieu vendredi.

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Jusqu’à l’arrestation de l’homme suspecté d’avoir violé la fillette, la presse conservatrice et plusieurs responsables de l’Ohio avaient émis des doutes sur la véracité du drame. Le suspect a été placé en détention sans caution jeudi 28 juillet par un juge, qui a invoqué des preuves accablantes. Il a avoué son crime et les tests ADN du fœtus avorté ont confirmé qu’il était le père, a déclaré le procureur du comté au tribunal jeudi. S’il est reconnu coupable, l’agresseur, qui avait vécu dans la même maison que la fille et sa mère, risque la prison à vie, sans possibilité de libération conditionnelle.